Quelques saisons de la vie du jeune Simon Tanner, 20 ans, "le plus jeune de la famille et celui qui porte le moins d'espérances". Garçon rêveur et impulsif, Simon vagabonde et traverse les forêts, cherche des emplois et les quitte allègrement, passe d'une place à l'autre, poussant l'humilité jusqu'à l'insolence, sous le regard bienveillant, inquiet ou perplexe de ses frères et sœurs. Simon revendique son manque d’ambition, son refus de prendre forme, son refus d’être aimé. Mais cet effacement en quête de vérités fuyantes ne va pas sans douleur. Simon connaît la faim, l’angoisse de l’hiver à venir, et durant les quelques saisons que nous traversons avec lui, nous le voyons se frotter au monde, saluer la beauté de l'échec, et faire l'apprentissage de la liberté.
Marginal, réfractaire, Walser est à la fois d’une acuité extrême par rapport à la modernité esthétique, et effrontément désuet, cultivant une forme de raffinement préromantique, une grâce mozartienne. De même, ses personnages ont quelque chose d’insaisissable, parce qu’ils sont ancrés dans une temporalité crue et réelle, faite de pauvreté, de vexations, de recherche d’emploi et de soupe populaire, mais dans laquelle le monde a les couleurs d’un rêve, les femmes sont des fées, les lacs sont magiques. D’un seul geste, sans contradiction aucune, Walser écrit à 29 ans un « roman du réel » et un conte initiatique. Car le cadre identifiable de l’action – une poignée de lieux quelque part en Suisse – éclate sous le regard tout à la fois naïf, émerveillé et intransigeant de Walser et des figures qu’il invente.